Il fait si doux cette année qu'ortie et pissenlit n'ont pas encore gelé dans mon coin. Vous sentez-vous démangé, vous aussi, par l'envie de balade sur des petits chemins ? Ou de commencer à désherber votre coin de potager ?
C'est aussi la saison où les légumes se font plus rares. Rapportez donc un panier de pissenlit et les premières pousses d'orties. Ces deux sauvageonnes sont parfaites pour débuter en cuisine sauvage : tout le monde les connaît et puis, même si vous n'êtes pas parfaitement sûrs de vous, vous ne prendrez pas de risques, car leurs faux-amis sont aussi comestibles.
Et pour faire le plein de nouvelles recettes, voici mon nouveau livre, consacré à la cueillette et à la cuisine de ces deux plantes sauvages et familières à la fois.
Pour tous ceux qui comme moi se piquent de connaissances botaniques, j'ai d'abord rappelé les subtiles distinctions entre petite et grande ortie, pissenlit, liondent, picride ou porcelle... Mais surtout, après tous les conseils nécessaires pour cueillir sans danger, vous voici prêts à tester tartelettes fines au confit d'ortie, gâteau choc'orties ou tatin de pissenlits aux tomates séchées...
Ce livre a pour moi des couleurs spéciales : c'est Linda Louis, la talentueuse auteur et photographe qui a réalisé les photos du livre. J'en suis ravie, car cette aventure commune nous a donné l'occasion de mieux nous connaître. Comme les photos de l'extraordinaire Appel gourmand de la forêt, ces images ont été prises en pleine nature, dans les prés et la forêt au milieu desquels elle vit. C'est un honneur pour moi qu'une telle passionnée de plantes sauvages se soit penchée sur ce livre. Et c'est une chance aussi, car elle y a glissé quelques photos de paysages qui vous plongeront immédiatement dans une ambiance très végétale.
Ortie et Pissenlit
Auteur : Anne Brunner
Photographies : Linda Louis
Editeur : La Plage
72 pages - 16 x 22 cm
ISBN : 978-2-84221-241-4
Prix : 9.95 euros
Vendu en librairie et dans les magasins bio, ainsi que sur le site des Editions La Plage ou sur les sites de vente de livres en ligne.
J'aime les crudités même lorsqu'il fait froid. Mais... quand il fait froid à ce point-là, je me surprends à préférer les salades tièdes, avec des lentilles, des pommes de terre ou des céréales. La salade du jour acclimate donc l'une de mes associations crues préférées pour février : avocat + endive. Pourquoi en février ? Parce que c'est le bon moment de profiter des avocats méditerranéens (Espagne et même, en cherchant un peu, Corse). Et puis, il fallait impérativement que je vous montre cette salade, ne serait-ce que pour garder une trace de cette petite betterave tigrée de rose et de blanc, arrivée sans fanfare avec mon panier de légumes de la semaine.
Et vous, comment préparez-vous vos salades de céréales en hiver ? J'emprunterais bien de nouvelles idées...
Pour 1 entrée pour 4 personnes, il faut :
1 verre de sarrasin décortiqué
1 poignée de raisins secs
1 avocat
1 endive
1/2 citron
1/4 de betterave crue
1 poignée d'amandes effilées
de l'huile de colza
Linda Louis et moi serons à la librairie La Boîte à Livres de Tours, pour une dédicace à quatre mains, le samedi 11 février de 14 h à 17 h.
Nous présenterons notre bébé commun : Ortie et Pissenlit : Linda en signe les photos et moi le texte et les recettes.
Chers amis tourangeaux, c'est une occasion inespérée de rencontrer Linda, grande chasseuse de plantes sauvages et personnalité extraordinaire de la "cuisine bio". Quant à moi, j'aurai besoin de tout votre bienveillance pour combattre le trac. Venez nombreux !
Il y a quelques jours, je vous parlais de Bio Champi, une entreprise qui a mis au point la culture de champignons bio (panicaut, shiitaké, maïtaké et autres champignons médicinaux) d'après des méthodes japonaises. Voici aujourd'hui la deuxième étape de ce petit dossier sur les champignons cultivés bio.
Aujourd'hui, je vous propose de rendre visite à Sophie Crépin, à Loches. Elle aussi cultive des shiitakés et des pleurotes selon des méthodes de l'agriculture biologique. Pourtant, vous allez le constater, son travail est différent de celui de Mr Zhang.
Entre un champignon bio et un pas-bio, qu'est-ce qui change ? Telle est la question que je me posais en allant à sa rencontre.
Photo : C'est en Touraine N°95, Conseil Général Indre-et-Loire
Troglo
Je suis arrivée aux portes de Loches, devant un alignement de maisons déjà serré et urbain. Je savais que Sophie Crépin était maraîchère. Pourtant ici, pas un centimètre carré de terre, ni l'ombre d'une courge. Mais de belles et hautes maisons en tuffeau, accolées au coteau ; de grands portails plutôt sévères, des percées sur les entrées des caves et quelques aménagements troglodytes.
C'est que les terres maraîchères sont ailleurs, à quelques kilomètres. Si je suis venue ici, au domicile des Crépin, c'est que la culture de champignons se fait dans la cave auxquelles est accolée leur maison.
Comment exploiter cette immense cave ? Les Crépin avaient bien pensé à la culture d'endives, qui ont besoin d'ombre pour blanchir. Mais ils aimaient les champignons ! Alors, pourquoi ne pas essayer ? C'est ainsi que Sophie Crépin s'est lancée dans une véritable aventure : Elle avoue n'avoir eu aucune expérience avant d'avoir essayé. Et les confrères alentours s'étaient déjà raréfiés.
Bio
Les Crépin cultivent déjà des céréales, des courges, des pommes de terre et d'autres légumes de plein champ. C'est par conviction qu'ils sont engagés dans l'agriculture biologique. Sophie Crépin était d'ailleurs trésorière du GABBTO, le Groupement des Agriculteurs Biologiques et Biodynamiques de Touraine.
En comparaison avec le champignon de Paris, le shiitaké présente plusieurs avantages non négligeables, lorsqu'on entend employer des techniques bio :
Il est moins sensible aux maladies. En comparaison, "le champignon de Paris est très maladif" et d'une culture "plus technique". Il lui faut un substrat difficile à fabriquer, à base de fumier de cheval.
Le shiitaké au contraire pousse sur un substrat végétal. Rappelons-nous : en français, on l'appelle "lentin de chêne". Il est donc plus facile de garantir que ce substrat est bien bio. Et les risques de maladie ou de parasites sont minimes.
Que se passe-t-il dans le noir ?
Entrons donc dans les caves. Il faut marcher plusieurs centaines de mètres dans la pénombre (je n'exagère pas), à peine guidés par le faisceau de la petite torche dont Sophie recharge la batterie à grands moulinets de la main, au fur et à mesure de notre progression. Elle tente de me rassurer : il suffit suivre les câbles électriques pour ne pas se perdre. Partout, des intersections, des virages, des diverticules. Brrr, il commence à faire plus frais...
Enfin, nous arrivons à un interrupteur. Sophie allume des néons blafards qui éclairent une première salle, emplie de blocs tout blancs. Pour éviter une fatigue inutile, ils ont été installés sur une structure métallique. Ils sont ainsi à portée de mains pour la cueillette. Mais... où sont les champignons ?
Le champignon est partout dans ces blocs. C'est le mycélium blanc qui a envahi le substrat. Ces blocs viennent juste d'arriver. Ils donneront des pieds et des chapeaux d'ici quelques semaines.
En effet, Sophie Crépin se fait livrer le substrat déjà incubé par Eurosubstrat, l'une des rares entreprises (ou la seule ?) à fournir ce type de prestation. Le bloc est composé de paille de blé et de graines de millet bio, qui servent de support au mycellium. Et surtout, il a été désinfecté, ensemencé de mycélium, confiné dans des sacs plastiques puis incubé en chambre chaude pendant environ un mois. Lorsque les blocs arrivent ici, ils sont déjà entièrement blancs, car le mycélium s'est déjà développé dans tout le bloc.
Il leur faut maintenant des conditions de lumière, de température, d'hygrométrie et d'atmosphère bien spécifiques. Dans une cave si profonde, nul besoin de climatisation ou de modification artificielle de l'atmosphère : toutes les conditions sont "naturellement" réunies. Sauf la lumière, qui est allumée automatiquement 8 h sur 24. Certes, les champignons poussent peut-être plus lentement ici que dans un tunnel chauffé à 16 °C. Mais quelle économie d'énergie ! Et puis : "ils poussent plus doucement, mais ils sont meilleurs au goût".
Volées
Plus loin, des salles, des couloirs, et encore des salles. Des dizaines de blocs de toutes les nuances de beige laissent poindre les petits chapeaux tant attendus. Quinze jours après la mise en place, c'est la première "volée". Trois fois par semaine, Sophie vient ici, dans le silence et le calme, cueillir shiitakés et pleurotes à la main. Pendant 15 jours, ça donne "à fond", puis il y a des creux.
Les volées sont ensuite espacées d'une semaine ou deux, pendant quatre mois. Jusqu'à ce que le champignon s'épuise. Le substrat est alors envoyé au compostage. Il servira à enrichir les terres à légumes.
C'est facile, alors ?
Ça a l'air tout simple, non ? En sortant, je me voyais déjà installer un bloc dans ma cave...
La lutte contre les parasites semble réduite à sa plus simple expression : Pas de traitement chimique !
Si un bloc arrive atteint de trichoderma, on le jette. Si des moucherons se développent dans les caves, on lutte avec des lampes à utraviolet. Les salles sont désinfectées en fin de culture avant la sporulation, par aspersion de chaux au sol. Bientôt peut-être avec un générateur de vapeur. Pas question de produits chimiques en tout cas. Sophie Crépin tient bon, même si elle sait que des produits listés nominativement sont autorisés pour la désinfection des locaux par la réglementation bio.
Les questions hautement techniques que se pose Sophie Crépin pour progresser dans cette pratique sont délicates : comment supprimer les emballages plastiques dans lesquels arrivent les blocs ensemencés ? Peut-on réduire les km entre Eurosubstrat et ses caves ? Peut-elle produire le substrat elle-même ? Mais alors, il faudrait trouver de la sciure localement, une machine pour mettre en bloc, une pièce chauffée pour l'incubation. Bref, tout l'équipement que je vous ai décrit chez Biochampi.
Pratique
Quand on cultive les shiitakés et les pleurotes, on est bien placé pour savoir comment les conserver et les cuisiner. Voici quelques conseils pratiques glanés auprès de Sophie Crépin :
Les shiitakés se conservent plutôt bien. Après une semaine environ, leur pied a tendance à se dessécher, mais le chapeau (la partie que l'on utilise généralement) reste tendre. Pour les garder quelques jours, mettez-les au frais, dans une cave ou la partie la moins froide du frigo. On les laisse à l'air libre, plutôt que de les enfermer dans une boîte hermétique.
On ne jette pas les pieds, mais on les garde pour parfumer les bouillons, les plats en sauce ou pour les préparations mixées. Ils se congèlent très bien.
Ce que préfèrent Sophie et sa famille ? Les champignons préparés à la grecque, en potages (j'ai d'ailleurs empruntée sa recette pour mon petit livre Shiitaké, pas gênée...) ou à la poêle. C'est délicieux. Bon appétit !
Où trouver les champignons de Sophie Crépin :
A lire également :
C'est déjà trop tard : Le calendrier tourne la page d'un mois de dimanches gourmands, passés à partager bien au chaud des galettes des rois de toutes sortes et à tirer des rois et des reines au hasard parmi nos amis. Déjà, février s'annonce, avec ses crêpes et ses beignets.
Mais il est encore temps de noter cette recette, ne serait-ce que pour l'archiver jusqu'à l'année prochaine. J'ai testé hier la recette de galette des rois d'Elisa Boelle. Une recette à la pâte levée ? Voilà qui est dans mes cordes. C'est d'ailleurs comme ça que je préfère la galette, façon galette au sucre brun et au beurre de ma maman ou couronne des rois provençale. J'ai été très intriguée par les manipulations : d'abord tartiner la pâte avec la frangipane, puis la rouler en un long boudin, puis le couper en deux et finalement tresser les deux demi-boudins en couronne. Ca avait l'air rigolo... Et puis, les proportions me paraissaient suffisamment "énormes" pour régaler plein d'enfants et légères pour ne pas gâcher notre soirée. Du beurre et du sucre, certes, mais raisonnablement. D'ailleurs, cette recette me semble assez facilement "végétalisable", en remplaçant le beurre par de la purée d'amande et le lait par un lait végétal... Une variante que j'essaierai l'année prochaine !
Et c'était vrai : Cette recette est ludique, délicieuse et jolie. Merci Elisa. Je l'adopte et vous la fais suivre, quasiment à l'identique.
Pour une énorme galette (10 parts environ)
La pâte levée
1/4 de cube de levure de boulangerie fraîche
1 c. à s. d'eau tiède
1 pincée de sucre
500 g de farine T55 ou T65
1 pincée de sel
40 g de sucre
2 c. à s. d'huile d'olive
300 ml de lait
La frangipane
80 g de beurre
250 g d'amandes en poudre
100 g de sucre
2 oeufs
1 c. à c. de liqueur de coing (ou d'arôme d'amande amère et ou de ce que vous avez...)
et... une fève !
Le décor
1 oeuf
de petits cubes d'orange confite
des amandes effilées
1 c. à s. de sucre glace
A l'avance : Préparer la pâte levée
A l'avance aussi : Préparer la frangipane
Une fois que la pâte est levée
Si mes explications ne vous paraissent pas si limpides, allez donc voir les photos d'Elisa ! Une bonne image est parfois plus parlante etc.
Alex Connell est le "Principal Tutor" du Cordon Vert, l'école de cuisine située dans les locaux de la Vegetarian Society à Manchester. Devant un public haut en couleurs de chefs et profs de cuisine, de bénévoles et de permanents de l'AVF et d'associations végétariennes de toute l'Europe, il nous a ébloui par sa prestation "dramatique" : il faut que ça fasse du bruit (et il choque ses casseroles sur son piano pour nous impressionner), que ça bouge et que le public rie. Et ensuite, croyez-le : le plat sera délicieux !
Parmi ses plats rapides à préparer devant un public, contrastés en couleurs et en textures, il nous a fait une démonstration de paëlla végétarienne. Nous l'avions déjà repérée la veille sur notre table : magnifiquement colorée et décorée d'asperges vertes fraîches, de tomates cerises, d'artichauts à l'huile et d'amandes effilées. Et délicieuse avec ses saveurs relevées de mille petits condiments mélangés au riz jaune.
Pas question d'attendre l'été ou même les premières asperges pour tester sa recette. À peine rentrée à la maison, j'ai voulu l'essayer et m'autoriser quelques légères adaptations à la saison : brocoli et carotte en seront les acteurs principaux. Le plat en devient sans doute moins spectaculaire (ce qu'Alex désapprouverait certainement), mais reproductible au printemps et plus abordable en prix pour notre table de tous les jours.
Voici quelques trucs appris au Cordon vert qui m'ont paru très utiles :
Pour 4 personnes
2 verres de riz basmati
1/2 c. à c. de curcuma
1 oignon
1 carotte
1 petit brocoli
4 champignons de Paris
8 morceaux de tomates séchées
1 gousse d'ail
8 olives noires
1 c. à c. de câpres
2 cornichons
quelques brins de céleri perpétuel (ou du feuillage de céleri-rave ou branche)
Le riz
J'utilise du riz bio non étuvé. Il faut donc le cuire dans 4 verres d'eau légèrement salée, à couvert et à petit feu, jusqu'à complète absorption du liquide.
Ajouter le curcuma dans l'eau de cuisson du riz avant de couvrir.
Les légumes
Hacher l'oignon et le faire revenir à la poêle dans un peu d'huile.
Détailler la carotte en julienne, les champignons en quartiers et le brocoli en bouquets.
Faire tremper les tomates séchées dans de l'eau chaude (ou les égoutter si elles sont conservées dans l'huile).
Dans la poêle, faire dorer rapidement les champignons, puis ajouter le brocoli et la carotte. Après quelques minutes, ajouter l'ail haché, les olives dénoyautées, les câpres et les cornichons hachés.Poursuivre la cuisson quelques minutes.
Couper les tomates en lanières. Les ajouter à la poêle. Mélanger le riz cuit avec la poêlée. Décorer de céleri ciselé dans l'assiette.
D'autres découvertes et rencontres extraordinaires, à l'occasion de cette recontre des associations végétariennes européennes :
Je ne trahirai pas ici mon petit coin de cueillette à champignons. Et pour cause : je ne chasse pas le champignon. Je me souviens pourtant de ma grand-mère ramassant des rosés des prés. Et Lilo a bien tenté de m'initier au débuscage des pieds-de-mouton qu'elle cuisine dans l'Appel gourmand de la forêt. Mais non, je me contente pour l'instant de cueillir ortie et pissenlit...
Et puis, je raffole des champignons cultivés. Vous saviez que l'on cultive des champignons en agriculture biologique ? Oui, mais savez-vous comment ? Et avez-vous poussé la curiosité jusqu'à goûter au shiitaké ou au pleurote du panicaut ? Allez, venez. Je vous emmène faire un tour chez les cultivateurs de champignons de Touraine...
Pourquoi en Touraine ? La totalité des champignons "de Paris" ne provient-il pas de Hollande ? Mais non, un petit village gaullois résiste encore. Dans cette région, la culture des champignons prospérait encore il n'y a pas si longtemps, dans les anciennes carrières de tuffeau creusées dans les coteaux des rivières : elles constituent d'immenses caves sous-terraines, où les conditions de températures douces et stables sont idéales pour la culture des champignons. Mais face aux importations, les champignonnistes se comptent aujourd'hui sur le doigt de la main (ou des deux mains ?) en Indre-et-Loire. Le choix d'un mode de culture biologique et de variétés rares et savoureuses permettent à certains de tirer à nouveau leur épingle du jeu.
Une culture hors sol, menée de A à Z selon une technique japonaise
C'est la première étape de notre voyage, chez Bio-Champi, une société artisanale spécialisée dans la production de champignons. Certaines variétés comestibles (shiitaké, pleurote, pleurote du panicaut) sont commercialisées fraiches, en quelques points très choisis du département. Car la société se consacre principalement à la culture de champignons médicinaux (maïtaké, reishi, et pleins d'autres aux doux noms imprononçables) pour les laboratoires pharmaceutiques.
Ma visite des installations de Bio-Champi remonte à octobre 2010. Cette journée m'a laissé des souvenirs vifs et précis. Je m'étais glissée dans la visite normalement réservée aux adhérents de l'AMAP de La Riche-en-bio. Je les remercie à nouveau de m'avoir tolérée, avec mon appareil photo et mes questions incessantes ! Bio-Champi fournit régulièrement l'AMAP en pleurotes du panicaut, un champignon rare et extraordinairement délicieux que la société est seule à produire en bio en France. C'est ainsi que Monsieur Zhang nous avait invités, un samedi quand tout y était calme. La pluie ruisselait le long des vitres de la voiture. Nous nous sommes arrêtés à l'entrée barricadée d'un ancien terrain militaire, avec porte automatique, guérite, barbelés le long de la clôture (là, j'invente peut-être...). Monsieur Zhang nous a conduit jusqu'à l'un des bâtiments en béton du site. Les seuls détails colorés dans ce paysage gris et sinistre : des fleurs et les légumes cultivés autour du bâtiment. C'est bien connu : le substrat de champignons fournit le meilleur des composts pour le jardinage !
Mr Zhang est docteur en microbiologie. Avec sa blouse blanche, sa passion des champignons et de la médecine, il se présente bien plus comme un scientifique que comme un agriculteur. Sa bibliothèque croule sous les ouvrages en anglais sur la composition chimique des champignons médicinaux et leurs effets attestés sur la santé. Mais je n'oublie pas que chercheurs et agriculteurs m'ont souvent impressionnée par leur goût commun de l'expérimentation systématique.
Revenons à nos panicauts : Mr Zhang a réussi à importer des techniques japonaises de culture de champignons, tout à fait inédites en France. Mais aussi à réaliser d'importants investissements pour automatiser une partie du processus. Et à "apprivoiser" la reproduction parfois délicate de souches presque inconnues chez nous, en sélectionnant celles qui donnent les meilleures teneurs en polysaccharides ou nutriments intéressants d'un point de vue thérapeutique.
Où l'on découvre que densité nutritionnelle et saveurs vont à nouveau de pair : les champignons ne sont jamais arrosés. Ils sont d'ailleurs secs et fermes et rendent étonnamment peu d'eau à la cuisson : rien que du goût.
Nous voici dans la première grande salle. Des centaines de caisses en plastiques bleues, remplies de pots en plastiques identiques, sont empilées sur des chariots à roulettes.
La première machine remplit les pots de substrat. C'est un mélange maison de matériaux végétaux achetés aux alentours et bien sûr non traités : sciure, chanvre et son de blé.
Les pots sont ensuite recouverts d'un couvercle spécial, puis stérilisés à 100 °C pendant 12 h à l'autoclave.
Des pots et des couvercles, il y en a des centaines de milliers. Pourquoi des pots en plastique ? Habituellement, en France, le substrat est composé d'un mélange de compost et de paille et conditionné dans des sacs en plastique souple. Ces sacs ont deux inconvénients : ils sont jetés en fin de culture (et difficile à dégrader). Mais surtout, ils ne supportent pas les températures élevées. Pour les champignonnistes conventionnels, ce n'est pas si grave : le substrat est pasteurisé (à une température plus basse) et stérilisé par des produits chimiques, pour éliminer tout risque de contamination du substrat et pour laisser place nette au champignon désiré. Ici, la stérilisation est obtenue uniquement par le traitement thermique à l'autoclave. En fin de culture, les récipients seront vidés du substrat par une autre machine, puis remis dans le circuit, de façon tourner ainsi 4 à 6 fois par an depuis des années.
J'en profite pour souligner : la méthode de stérilisation du substrat est l'une des différences majeures entre culture bio ou conventionnelle des champignons.
Nos fameux pots, plus petits que les sacs de paille, plus légers et plus résistants que des récipients en verre, sont aussi conçus pour être manipulés en nombres de façon efficace. Car ils vont maintenant transhumer d'une pièce à l'autre, en un imposant troupeau de 2800 têtes.
Je n'ai pas conservé de photo du la salle blanche. Imaginez une pièce vide et immaculée, avec une paillasse de labo. En production, on n'y entrerait qu'après une douche et toutes les précautions nécessaires. Ici, les semences (le "mycellium primaire") sont inoculées dans le substrat stérile, pot après pot. Un travail de fourmi qui occupe 2 à 3 personnes pendant environ une heure.
Puis, c'est le temps de l'incubation. Dans un long tunnel opaque et chauffé à 20°C, le champignon se développe et remplit tout le pot. Aucun "champignon" n'est visible : ni pied, ni chapeau. Mais si on soulève le couvercle, on aperçoit maintenant que le substrat est entièrement envahi d'un mycelium duveteux et blanc. Après un mois de ce confinement douillet, c'est parti pour la pousse. Direction le bâtiment voisin.
C'est une ancienne chambre froide militaire et monumentale : pas très glamour, mais les murs sont très épais et il est facile de contrôler la température et l'hygrométrie. Une partie de la production est aussi envoyée vers des caves de tuffeau de la région.
Ici, il y a 500 m2 d'étagères. Le régime des champignons : de l'oxygène, de la lumière et une température moins chaude : l'automne, quoi... Encore 3 semaines et l'équipe pourra récolter les champignons. Sur les étagères inclinées poussent les plus grands spécimens. Sur les étagères à l'horizontale, ce sont plutôt les petits champignons en touffe qui sont recherchés.
Étonnant, non ?
Vous pouvez aussi aller voir le compte-rendu de cette visite par l'AMAP La Riche en bio, avec de petites vidéos.
Et l'album photo de Bio Champi.
Je vous donne rendez-vous ici dans quelques jours pour une rencontre avec Sophie Crépin. Elle est maraîchère bio à Loches et cultive les shiitakés dans d'immenses caves en tuffeau.
Qu'est-ce que je mijote pour mon prochain cours à Tours à table ?
Plusieurs petites choses simples et vite faites, qui mettent à l'honneur quelques ingrédients pas si courants, mais très faciles à utiliser.
Photo : Jean-Michel Renaudin, Stylisme : Aline Couagnon
Extraite de mon livre Céréales d'aujourd'hui, éditions La Plage
Au menu :
Un cours en soirée, jeudi 23 février, de 19 h à 21 h, où nous mettrons tous la main à la pâte.
Avec picorage dans les assiettes prévu pendant le cours. Vous rapporterez votre repas tout chaud à la maison... s'il en reste après le picorage.
En pratique
Pour vous inscrire, vite, vite ! C'est mardi, le dernier délai pour enregistrer les inscriptions.
Vous souvenez-vous des petits dés tigrés de rose et de blanc qui décoraient ma salade tiède de sarrasin, il y a quelques jours ? C'était de la betterave chioggia.
À cette saison, je suis plongée dans les catalogues de semences, à rêver bien au chaud aux merveilles prodigieuses et prolifiques que produira -c'est sûr- mon potager cette année. Peut-être même quelques betteraves, si je sais lui parler gentiment. Voici ce que disent les livres à portée de ma main au sujet de notre héroïne du jour. Ma bible en la matière, Tous les légumes de Victor Renaud, parle de "Ronde de Chioggia". Ca me va : elle est joliement ronde. Quant à Les collections de Jean-Michel Lorain, Légumes, il mentionne une "betterave rose de Chioggia". Et souligne la fermeté de sa chair et sa saveur sucrée. C'est surprenant en effet : pratiquement pas de jus. On peut couper cette betterave-là sans craindre que le rose détaigne sur le blanc. Et le goût très doux, pratiquement exempt des saveurs terreuses des betteraves rouges habituelles, la rend très agréable crue comme cuite. Un bonbon !
Bref, je me dis qu'il lui faut une préparation particulière à cette betterave-ci. Pas question de la mixer ou de la cuire trop longtemps, au risque de gâter sa beauté. J'oublie donc toutes mes habitudes betteravesques. Mon premier réflexe a été de la rôtir au four, avec le fameux zaatar de Florence. Un délice : j'en ai fait plusieurs fournées et ai même réussi à les glisser dans les assiettes de quatre enfants trop occupés à bavarder pour protester avant de goûter.
Mais il faudra que je trouve une autre idée pour le petit morceau qui reste dans mon frigo. J'ai bien envie de la tailler en julienne crue, comme José des Jardins de Pomone. (Tiens, lui, il l'appelle "tonda di Chioggia", ce qui semble avaliser la version de Victor Renaud, avec la couleur locale en plus.) À moins que vous n'ayiez d'autres recettes à me suggérer...
Donc, pour la recette du jour, Betterave chioggia rôtie au zaatar, je ne me suis pas trop fatiguée : j'ai repris celle de la butternut avec le même zaatar, en remplaçant la courge par une betterave. Tout aussi délicieusement simple.
Pour un petit accompagnement pour 4 personnes (et une touche colorée et sucrée dans une assiette salée)
1/2 betterave chioggia
de l'huile d'olive
du zaatar de Florence "le sauvage des terres arides", que l'on peut remplacer par du thym, du sel aux herbes + des graines de sésame